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généreux, pouvoit se passer des dons de Pallas ; Vénus seule pouvoit lui donner la plus belle, la plus gracieuse amie. Mercurius eût pu répondre au jeune citoyen de Valenciennes que lui n’étoit pas fils de roi, et que son cœur, tout vaillant qu’il fût, pourroit encore, grâce à Pallas, devenir plus intrépide ; mais le dieu aima mieux ne pas insister et se retirer avec les deux déesses vivement désappointées. Pour dame Vénus, demeurée seule avec le jeune homme, elle ne voulut pas se montrer ingrate. Elle promit de le traiter mieux encore que le berger troyen, en le rendant lui-même amoureux et joli :

Vis tant que pues, d’ore en avant,
Mais tu auras tout ton vivant
Cuer gai, joli et amoreus ;
Tenir t’en dois pour éureus ;
Car mieux te vaudra-il avoir
Plaisance au cuer que grant avoir.
Avoir se pert et joye dure.

Et Vénus tint fidèlement sa promesse. Froissart passa la plus grande partie de sa vie, exempt d’ennui, de tristesse et de passions mauvaises. Il vit le monde avec le discernement d’un voyageur qui détourne les yeux de ce qui peut blesser sa délicatesse, et qui réserve son attention, sa curiosité, pour les objets agréables et dignes de mémoire. Il se rend ici le témoignage que devoit confirmer la postérité.

Assurément, il est bon d’emprunter aux poésies de Froissart des indications de ce genre, qui font mieux connoître son caractère et ses dispositions naturelles. Mais il ne faut pas leur demander davantage, et, sur la foi d’une pure fiction poétique, surcharger l’histoire réelle de sa vie d’incidents tout à fait imaginaires. C’est un écueil que les précédents biographes n’ont pas évité. En composant d’assez longs poëmes entremêlés de rondeaux et ballades, lais et virelais, Froissart suivoit un usage alors consacré. Après avoir composé pour son propre