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Or fai donc tost, et si le monde ;
Et respons, sans plus colyer,
Qui te fait merencolier.

Colyer, c’est-à-dire je pense, draper, exercer le métier de couletier. Un peu plus loin, il hésite à quitter sa profession en avouant que les marchands, les couletiers sont mieux venus auprès des grands seigneurs que les savants et les poëtes.

Au reste, le préambule poétique qui nous révèle cette circonstance intéressante de la vie de Froissart, nous apprend aussi qu’il revint bien vite à ses études historiques. C’est alors apparemment que, pour avoir les moyens de s’y consacrer entièrement, il demanda et reçut les ordres. Une fois tonsuré, sous-diacre et même diacre, il rencontra facilement parmi tous les personnages au milieu desquels il avoit jadis vécu, des donneurs de bénéfices qui se disputèrent le plaisir de lui être agréables. Il obtint la cure de Lessines, près de Mons, un canonicat à Chimay, la promesse d’un second canonicat à Lille, plus important que le premier[1]. Il touchoit pension de Venceslas de Bohême, duc de Brabant ; il avoit part aux grandes libéralités de Guy de Châtillon, comte de Blois. Ce fut le comte de Blois, comme nous avons vu, qui le décida à reprendre les Chroniques au point où il les avoit conduites, c’est-à-dire à partir de l’année 1369, date de la mort de la reine Philippe et de son retour en Hainaut.

Ce deuxième protecteur lui manqua vers l’année 1390. Ce Guy de Châtillon, impotent, ruiné, avili par la cession qu’il avoit faite de ses comtés de Blois et de Dunois au jeune duc d’Orléans, frère de Charles VI, ne pouvoit plus songer à Froissart ni à ses Chroniques. Le curé de Lessines avoit trouvé un plus sûr patron dans Robert de Namur, oncle de la comtesse de Blois. C’est aux encouragements et aux conseils de Robert

  1. Il ne paroît pas avoir jamais touché les revenus de ce deuxième canonicat ; il se dit, dans les deux manuscrits de ces poëmes, « chanoine de Lille en herbes. » — Voy. aussi sur ce point le joli dit du Florin.