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on les détestait : n’est pas détesté qui veut. Tabarin donc, du haut de son trône établi sur le Pont-Neuf, à l’entrée de la place Dauphine, luttait de propos joyeux et de rencontres saugrenues avec Isabelle, sa bien-aimée, à cette fin de décider les passants, surtout les laquais et les servantes, à faire emplette de ses petites feuilles imprimées et de ses méchantes drogues. Les livrets qui composent la bibliothèque tabarinique furent ainsi distribués. Inutile de dire que, dans leur nouveauté, on en tenait assez peu de compte ; Pierre de l’Estoile, le précieux journaliste, en faisait pourtant collection ; mais les autres chalands de Tabarin étaient assez peu curieux de bibliothèques, et voilà comment la plupart de ces petits écrits sont allés rejoindre les neiges d’antan.

Ceux que le temps a épargnés ne subsistent qu’au nombre d’un ou deux exemplaires ; jugez du bonheur de ceux qui les possèdent ! M. Leber, savant ingénieux et littérateur excellent, faisait assez de cas des chefs-d’œuvre de Tabarin, comme on peut en juger par les Plaisantes recherches d’un homme grave sur un farceur. Or M. Leber ne connaissait pas le Caresme prenant dont nous avons parlé, ni les Iustes plaintes de Tabarin sur les troubles et divisions de ce temps, dont il faut absolument que nous disions quelque chose. Déclarons-le d’abord, dans ces Plaintes il n’y a rien de politique. Tabarin se plaint que les filous et autres gens de dangereuse approche choisissent leur rendez-vous autour de son noble théâtre, et profitent de l’attention qu’on veut bien accorder aux gracieuses paroles d’Isabelle pour exercer leur industrie. « Il y va de mon honneur, messieurs, de souffrir qu’à la face de ma banque et deuant mes yeux, tant de tours de passe-passe se iouent… Ie ne l’endureray iamais resoluëment. I’y despendray mon celebre Chappeau ; i’y mangeray mon manteau venerable, tous deux d’vn estimable prix : l’vn pour auoir vne infinité de formes, et l’autre pour n’en auoir du tout point. » Notre saltimbanque craignait, par le fait de ces messieurs, de perdre son crédit ; il entendait déjà par la ville les filles, les femmes et les commères se répandre en violentes imprécations. « Quelque seruante de bonne maison voudra auoir de ma pomade pour en polir son front aux bonnes festes, et pendant que ceste pauure diablesse enragera de rire, arriuera quelqu’vn de ces messieurs à la main légère