Page:Paris, Paulin - Romans de la Table Ronde, tome 2.djvu/353

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
346
LE ROI ARTUS.

assise sur le bord, poussant des cris aigus auxquels se mêlait le nom d’Hélène. Quand elle aperçut Beduer : « Ah ! malheureux ! » cria-t-elle, quel funeste sort t’amène ici ! C’en est fait de ta vie, si le géant t’aperçoit. Fuis avant son retour, c’est un démon qui ne connaît pas la pitié. — Bonne femme, » répondit Beduer, « cesse un instant tes cris, et dis-moi d’où vient le grand deuil que tu mènes. Qui repose sous cette tombe ? — Hélas ! » répondit la vieille, « je pleure et regrette la noble et gentille Hélène, )a nièce du comte Hoel de Nantes. Je l’avais nourrie de mon lait, elle était confiée à ma garde et je l’ai déposée dans cette tombe. Un vrai démon l’avait enlevée, et je l’avais suivi par amour pour la demoiselle. Il voulut apaiser sur Hélène sa brutale convoitise ; elle ne put supporter son étreinte, et mourut étouffée dans ses bras. Tout ce que j’ai pu faire a été de creuser une fosse et de l’y déposer, en versant jour et nuit des larmes sur elle. — Mais, » dit Beduer, « pourquoi demeurer ici ? vous ne pouvez espérer de lui rendre la vie. — Il est vrai ; mais, chevalier, vous me semblez gentil et courtois, je ne veux rien vous cacher. Quand ma chère et tendre Hélène eut cessé de vivre, le géant me fit demeurer pour lui tenir lieu, en dépit de ma vieillesse, de celle que je pleure.