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gauvain et un ermite.

vez-vous le savoir ? — Par un chevalier qui, après avoir servi le monde, a longtemps partagé ma solitude. Il se nommait messire Allier. En quittant le siècle, il avait laissé à Marest, son fils, une terre dépendante de la dame de Roestoc. Mais Marest ne put la défendre contre un baron nommé Ségurade, qui faisait à la dame de Roestoc une guerre opiniâtre. Quand il eut tout perdu, il vint raconter ici ce qui lui était arrivé. Or, messire Allier, pour s’être voué à Dieu n’en était pas moins resté d’os et de chair ; il me prit à conseil : Père, dit-il, celui qui ruine et dépouille son voisin, sans avoir une injure à venger, n’est-il pas pire que les Sarrasins[1] ? — Peut-être aussi mauvais, ai-je répondu, mais non pire. — Et Jésus-Christ me tiendrait-il compte de mon voyage, si j’allais le venger outre-mer ? — Assurément. — Eh bien ! j’irai combattre ceux qui ne valent pas mieux que les Sarrasins. » Il prit congé de moi, et se maintint dans la seule tour restée de son héritage, sans renoncer pourtant aux draps de religion. Je pense même qu’il ne tardera pas à revenir, car on m’a dit qu’un preux cheva-

  1. Le ms. 751, fo 124 porte : « Pire que Saladin ». Ce nom semble rapporter la composition à la fin du douzième siècle ; vers 1190.