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le val sans retour.

fut la première victime du charme : quand il voulut s’éloigner, il sentit qu’il était arrêté par une force invincible. La demoiselle fut plus cruellement traitée. Elle se crut enfermée dans la glace jusqu’à la ceinture et, de la ceinture à l’extrémité des cheveux, dans un feu ardent. Depuis ce jour, il n’y eut pas un chevalier amoureux qui pût, une fois entré, trouver le moyen de sortir de ce val. Morgain avait encore destiné que la voie resterait ouverte pour le chevalier qui n’aurait jamais rien senti de l’aiguillon des désirs, et pour celui qui n’aurait pas à se reprocher la moindre infidélité amoureuse. À celui-ci était réservée la vertu de détruire l’enchantement. Morgain croyait en avoir assuré l’éternelle durée. De leur côté, les chevaliers qui connaissaient la force de la conjuration se gardaient de mettre le pied dans le Val, persuadés que ce n’était pas un d’eux qui pourrait en triompher mais d’autres ignoraient le charme, et s’y étaient laissé prendre[1].

  1. Dans la première rédaction du Livre d’Artus, la fondation du Val sans retour est racontée d’une façon un peu différente. Morgain en avait eu la pensée quand, irritée d’avoir été séparée de son ami Guiomar par la reine Genièvre, elle était venue habiter la forêt de Sarpenne ou Sarpeint. « Voyant les lieux si beaux et si riants, elle fit construire une chapelle devant un carrefour, à l’entrée du val. On y faisait chaque jour le ser-