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L'ŒUVRE.

au milieu de ses bonnes résolutions morales. C’est un exemple à joindre à tous ceux que l’on connaît de l’attachement que portent souvent les artistes à celles de leurs œuvres qui le méritent le moins.

La ballade des Contredits de Franc Gontier nous montre une tout autre facette de l’âme multiple de notre poète. Il était agacé d’entendre sans cesse répéter la ballade où Philippe de Vitry avait célébré le bonheur rustique du bûcheron Gontier et de sa femme Hélène, habitant une « borde portable[1] », loin des piliers de marbre et des « pommeaux luisants », vivant de laitage, de fruits, d’oignons et de l’eau des fontaines, entendant avec délices « harper » les oiseaux. A cette idylle champêtre il oppose le tableau tout citadin de la vie épicurienne d’un « gras chanoine » et de son amie,

Blanche, tendre, polie et atintee,

se caressant et buvant l’hypocras, au coin d’un bon feu, dans leur chambre « bien nattée ». Que Gontier et Hélène préfèrent k ce plantureux confort leur pain bis, leur eau et leurs oignons :

Tous les oiseaus d’ici en Babiloine
A tel escot une seule journée
Ne me tendroient, non une matinee !

Car, ajoute le poète, je l’ai entendu dire dès ma petite enfance et suis profondément imbu de cette maxime :

Il n’est trésor que de vivre a son aise[2]

  1. . C’est déjà — sans vouloir établir la moindre comparaison entre les deux poèmes — la « maison du berger » d’Alfred de Vigny.
  2. . On a souvent remarqué que Voltaire a traité à peu près le même thème dans le Mondain. Marot a imité la première strophe de cette ballade dans l’épigramme du Gros prieur.