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FRANÇOIS VILLON.

Villon l’avait, et en somme c’était le plus honorable des trop nombreux moyens que, comme Panurge, il mettait en œuvre pour gagner de l’argent. On remarque aussi dans cette ballade un enjouement facile que nous retrouverons dans d’autres pièces et qui est une des marques du génie de notre poète. Dans la vie vagabonde, misérable et sans doute honteuse que Villon mena en 1459, 1460 et 1461, trouva-t-il le temps et le courage de composer des poésies ? C’est probable, mais il n’y a pas une des pièces insérées dans le Testament que nous puissions avec certitude rapporter à cette période.

En 1461, Villon était dans la basse fosse de Meun et y composait les trois ballades dont j’ai parlé au début de ce livre. Celle où il se fait admonester par Fortune n’a pas grande valeur ; elle est cependant intéressante en ce que le poète lui-même en est le sujet ou au moins le prétexte[1]. Le Débat du cœur et du corps de Villon, ou plutôt le débat de Villon avec sa conscience, est d’un tout autre prix : là, pour la première fois, nous voyons le poète descendre en lui-même, fouiller les replis secrets de son cœur, s’apitoyer sur son malheur et en rechercher sérieusement les causes. La forme du débat, qui, au premier abord, paraît conventionnelle, est ici parfaitement à sa place : elle représente l’éternelle lutte des deux éléments dont se compose la nature humaine, des deux tendances qui l’entraînent, l’une vers le bien, l’autre vers le mal, lutte dont la con-

  1. Cette pièce, où Fortune se justifie et gourmande Villon en lui alléguant tous les rois et empereurs qu’elle a précipités du faîte, rappelle un sonnet connu de Scarron.