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FRANÇOIS VILLON.

La mort le fait frémir, pallir,
Le nés courber, les veines tendre.
Le col enfler, la char mollir.
Jointes et ners cro’stre et estendre :
Corps femenin, qui tant es tendre,
Poli, souef, si précieux,
Te faudra il ces maux attendre ?
Oui, ou tout vif aller es cieux.

Mais l’élément le plus important, le plus caractéristique de cette partie du poème, c’est l’élément purement personnel. Dès le début, Villon se présente en pleine lumière, et avec quel relief, quelle énergie, et, si on peut le dire, quelle candeur effrontée !

En l’an trenliesme de mon nage,
Que toutes mes hontes j’eus beues,
Ne du tout fol, ne du tout sage,
Nonobstant maintes peines eues…

Déjà au début des Lais il s était ainsi avancé, pour ainsi dire, sur le devant de la scène, en se nommant :

Je, François Villon, escolier ;

et dans le cours du poème il avait librement parlé de lui, de ses amours, de sa pauvreté, de sa triste mine, de son voyage à Angers ; il s’était même amusé, — comme Musset le fit plus tard en l’imitant sans doute, — à nous entretenir d’un « chagrin domestique » : s’il n’a pas terminé l’œuvre commencée, c’est qu’il s’est assoupi ; enfin il se réveille :

Je cuidai finer mon propos ;
Mais mon encre trouvai gelé
Et mon cierge trouvai soufflé :
De feu je n’eusse peu finer[1] ;
Si m’endormis tout emmouflé.

  1. « Je n’aurais pu me procurer du feu »  : on se rappelle que le poème a été écrit « sur la Noél ».