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FRANÇOIS VILLON.

larmes avec une brusquerie apparente qui sans doute est chez lui surtout instinctive, mais qu'il a certainement dirigée avec intention pour produire un effet artistique, comme l'a fait, seul après lui avec autant de maestria, un poète qui, supérieur assurément, lui ressemble en plus d'un point, Henri Heine. Ce mélange fait parfois, chez l'un comme chez l'autre, l'effet d'une dissonance aiguë, quand, par exemple, une rêverie mélancolique se termine par un sarcasme ou qu'une facétie burlesque sert d'introduction à l'effusion la plus émue. Mais cette dissonance est un effet voulu, qui, en secouant les nerfs du lecteur, accroît et rend plus vibrante l'impression qu'il s'agit de leur communiquer. On a dit avec raison, je l'ai déjà remarqué, que « je ris en pleurs » est la vraie devise de notre poète.

Il a ensuite le don d'observer la réalité extérieure et d'en rendre surtout l'aspect pittoresque ou comique. Pour ne rappeler que les exemples cités plus haut, il a vu en poète et il a su peindre en artiste les vieilles accroupies autour de leur petit feu de chènevottes, et les femmes assises dans l'église sur le repli de leurs robes, et les écoliers modèles tenant leurs pouces dans leurs ceintures, et le bon Jean Cotart allant se coucher en trébuchant, et les crânes entassés dans les charniers des Innocents, et les squelettes des pendus balancés par le vent aux poutres de Montfaucon.

Avec ce don d'observateur et de peintre, il a de la gaîté et de l'esprit. Même quand on ne saisit pas exactement le sens de ses plaisanteries, on en rit involontairement, tant il est visible qu'il s'en amuse, tant on