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FRANÇOIS VILLON.

par la nature, n’a su que rajeunir eu y cousant ses paillettes. Il a donné à sa poésie un fond réel et une forme directe.

Ce n’est pas tout : au sentiment réaliste et à la puissance plastique que nous avons signalés se joignait chez lui un don tout personnel de fantaisie. Les idées les plus folles lui passaient par la tête, et il savait les arrêter au passage et les fixer par des mots précis. Il se qualifie lui-même, et à bon droit, de « fils de fée » : la plus fantasque des fées l’avait touché de sa baguette. Mais ce qui est remarquable, c’est que cette fantaisie s’épanouit sur le fond d’un très solide bon sens. À cette époque de convention, de pseudo-chevalerie, de galanterie quintessenciée, il n’émet que des idées saines, justes, bourgeoises même, comme dans les Contredits de Franc Gantier, où il rit au nez des faiseurs d’idylles sentimentales.

Cet esprit bourgeois se marque encore, et d’une manière fâcheuse, par l’absence totale, chez Villon, du sentiment de la nature, même conventionnel. On a remarqué que son œuvre poétique est peut-être la seule, même de son temps, où il n’y ait pas un coin de paysage, pas un brin de verdure, pas un chant d’oiseau : « Tous les oiseaux d’ici à Babylone » ne valent pas pour lui une bonne chambre bien nattée avec un repas succulent. Il a parcouru toute la France sans en rapporter une seule impression de campagne. C’est un poète de ville, plus encore : un poète de quartier. Il n’est vraiment chez lui que sur la montagne Sainte-Geneviève, entre le Palais, les collèges, le Châtelet, les tavernes, les rôtisse-