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LA VIE.

 
Courans, alans, frans de faux or, d’aloi,
Gens d’esperit, un petit estourdis,
Trop demourez, car il meurt entandis[1] !
Faiseurs de lais, de motès et rondeaux,
Quant mort sera, vous lui ferez chaudeaux[2] !
Ou gist il n’entre esclair ne tourbillon :
De murs espois on lui a fait bandeaux.
Le laisserez la, le povre Villon ?

Jeûner lui faut dimenches et mardis,
Dont les dens a plus longues que rasteaux.
Après pain sec, non pas après gasteaux,
En ses boyaux verse eau a gros bouillon ;
Bas en terre, table n’a ne tresteaux :
Le laisserez la, le povre Villon ?

De ces « gens desprit », de ces chanteurs, de ces galants, plus d’un pouvait sans doute avoir accès en haut lieu, intercéder pour le captif et lui faire obtenir « grâces et royaux sceaux ». C'est en tout cas ce qu’il obtint au mois d’octobre 1461, par un enchaînement de circonstances qu’il n’avait guère pu prévoir.

Le 22 juillet de cette année, le roi Charles VII finissait sa triste existence, et son fils Louis, réfugié auprès du duc de Bourgogne, se hâtait bientôt de rentrer en France : il se faisait sacrer à Reims, se rendait à Paris et peu après parcourait la Touraine, 1 Orléanais et d’autres provinces ; au commencement d’octobre il était à Meun. C’était l’usage que les rois, après leur sacre, fissent, dans les différentes villes où ils entraient, des remises de peine (comme on en fait encore aujourd’hui à certaines fêtes) ; Villon bénéficia de cette coutume, bien que prisonnier de l’évêque, la grâce royale étant au-dessus de toutes

  1. Pendant ce temps. —
  2. Brouets réconfortants.