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LA VIE.

C’est aussi par ouï-dire, bien plutôt que par la lecture de livres de géographie qui n’existaient guère, que l’écolier parisien avait acquis quelque connaissance des divers pays de l’Europe. Il en fait montre dans sa ballade sur le « bon bec » des Parisiennes, où il énumère, comme ne pouvant rivaliser avec elles, les femmes de toute l’Italie, Savoisiennes, Lombardes, Génoises, Vénitiennes, Florentines, Napolitaines ; puis les Anglaises, Allemandes, Prussiennes, Suissesses, Hongroises, Grecques, Egyptiennes, Espagnoles, — sans parler des provinciales de France, Picardes, Lorraines, Bretonnes, Gasconnes et Toulousaines.

Toutes ces notions vagues et mal coordonnées ne pouvaient fournir à l’intelligence un cadre quelque peu solide pour une conception précise de l’histoire et du monde. Elles flottaient dans l’esprit du poète sans être en état d’influer réellement sur la forme de ses pensées ; elles lui fournissaient seulement, à l’appui des idées qui lui venaient, des exemples souvent trop facilement allégués, mais qui plaisaient à ses lecteurs, et parfois, comme dans la ballade des Dames du temps jadis, elles lui permettaient de donner à la mélancolie du souvenir un appui à moitié réel, à moitié mystérieux, qui en augmentait singulièrement le charme. La complaisance avec laquelle Villon les étale nous montre bien que nous avons affaire en lui non pas à un poète vraiment populaire, mais à un poète écrivant pour un cercle spécial, celui des écoliers et des basochiens, et prenant sucessivement tous les tons qui prévalaient dans ce cercle bigarré, à la fois docte et trivial, dont beaucoup de