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LA VIE.

tions de sa nature, de ces impulsions qui le jetaient d’un extrême à l’autre sans qu’il put s’expliquer comment, il composait une ballade sur ce refrain :

Je cognois tout, fors que moi mesmes !

Mais s’il n’arriva pas à acquérir la maturité virile, il apprit dans l’expérience, trop complète, qu’il fit de la vie, à la comprendre et à la peindre sous tous ses aspects. De ses fautes même, et des souffrances matérielles et morales qu’elles entraînèrent pour lui, sortit ce que sa poésie a de plus neuf, de plus personnel et de plus vivant. Si, docile aux leçons de son sage protecteur, il eût sérieusement poussé ses études et eût été finalement pourvu de quelque grasse dotation, il aurait vécu « à son aise », mais il n’aurait sans doute rimé que des œuvres banales, pompeuses ou futiles comme celles de la plupart de ses contemporains et comme quelques-unes des siennes ; il n’aurait pas fait pénétrer dans notre âme l’aiguillon qui déchirait la sienne ; il ne serait pas devenu le premier poète moderne. Les fautes de Villon, comme on la dit avec esprit, nous ont fait perdre un honnête homme dans le passé et nous ont donné un grand poète pour toujours. Nous devons donc être indulgents pour elles; car, suivant la remarque de Th. Gautier, « les bons poètes sont encore plus rares que les honnêtes gens, — quoique ceux-ci ne soient guère communs ».