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Page:Paris - Légendes du Moyen-Âge.djvu/242

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tu as été déraisonnable ! tu as perdu par ta faute un grand trésor : j’ai dans mes entrailles une perle plus grosse qu’un œuf d’autruche. » L’homme, en entendant ces mots, fut plein de douleur : il tendit son filet et s’efforça de reprendre l’oiseau ; il lui disait : « Viens dans ma maison, j’aurai tous les soins de toi, je te nourrirai de mes mains et je te laisserai voler à ton aise. » Mais le rossignol lui répondit : « Maintenant, je vois que tu es vraiment déraisonnable. Tu n’as retiré aucun fruit des préceptes que je t’ai donnés : tu te chagrines de m’avoir perdu quand tu ne peux me recouvrer ; tu as essayé de me prendre quand il t’est impossible de m’atteindre ; et tu crois qu’il y a dans mes entrailles une perle plus grosse qu’un œuf d’autruche, quand mon corps tout entier n’atteint pas cette grosseur [1]. »

Le rédacteur du roman grec a donné à cette fable une morale qui n’était certainement pas dans sa source indienne et qui ne lui convient guère : « Non moins sots sont les hommes qui ont confiance dans les idoles, qui adorent des dieux façonnés par eux et se figurent être gardés par ceux dont ils sont les gardiens. »

Ce roman de Barlaam et Joasaph a eu une fortune singulière [2]. On en fit de bonne heure une version

  1. Boissonade, Anecdota graeca, IV, 79.
  2. Il a même été traduit dans la langue principale des Philippines, le tagal, et répandu là par les missionnaires comme livre d’instruction chrétienne.