Page:Paris - Légendes du Moyen-Âge.djvu/271

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Quoi qu’il en soit, le thème sur lequel il a travaillé, l’auteur du lai l’a complètement transformé. Le point de départ de cette transformation a été sans doute le contraste qui l’a choqué, dans le conte de Pierre Alphonse, entre la beauté du jardin verdoyant, arrosé par des eaux fraîches, habité par des oiseaux au chant délicieux, et le paysan, le vilain (rusticus) qui le possède. On sait quelle importance la haute société des XIIe et XIIIe siècles attachait à cet ensemble de qualités mondaines, qu’on appelait la « courtoisie » et qui comprenait quelques-unes des plus hautes qualités morales en même temps que la stricte observation des conventions et des règles de la vie élégante. Cette dernière partie de la perfection courtoise était naturellement la plus facile à acquérir, celle aussi dont on se targuait le plus et dont le manque exposait surtout aux railleries et au dédain. Le monde, pour un « gentil » clerc ou chevalier de cette époque, se divisait en deux classes, les « courtois » et les « vilains », et on avait beau proclamer que nul n’est vilain s’il ne fait vilenie, on déclarait d’ordinaire les vilains par naissance incapables de posséder jamais le fonds moral de la courtoisie autant que d’en acquérir les formes. La courtoisie était d’ailleurs considérée comme inséparable de l’amour, conçu d’une manière