Page:Pascal - Lettre dédicatoire à Monseigneur le Chancelier, 1645.djvu/12

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croire qu'après n'avoir épargné ni le temps, ni la peine, ni la dépense pour la mettre en état de t'être utile, j'eusse négligé d'employer ce qui était nécessaire pour te contenter sur ce point, qui semblait manquer à son accomplissement si je n'avais été empêché de le faire par une considération si puissante, que j'espère même qu'elle te forcera de m'excuser. Oui, j'espère que tu approuveras que je me sois abstenu de ce discours, si tu prends la peine de faire réflexion d'une part sur la facilité qu'il y a d'expliquer de bouche et d'entendre par une brève conférence la construction et l'usage de cette machine, et, d'autre part, sur l'embarras et la difficulté qu'il y eût eu d'exprimer par écrit les mesures, les formes, les proportions, les situations et le surplus des propriétés de tant de pièces différentes ; lors tu jugeras que cette doctrine est du nombre de celles qui ne peuvent être enseignées que de vive voix, et qu'un discours par écrit en cette matière serait autant et plus inutile et embarrassant que celui qu'on emploierait à la description de toutes les parties d'une montre, dont toutefois l'explication est si facile, quand elle est faite bouche à bouche ; et qu'apparemment un tel discours ne pourrait produire d'autre effet qu'un infaillible dégout en l'esprit de plusieurs, leur faisant concevoir mille difficultés où il n'y en a point du tout.

Maintenant (cher lecteur), j'estime qu'il est nécessaire de t'avertir que je prévois deux choses capables de former quelques nuages en ton esprit. Je sais qu'il y a nombre de personnes qui font profession de trouver à redire partout, et qu'entre ceux-là il s'en pourra trouver qui te diront que cette machine pouvait être moins composée ; c'est là la première vapeur que j'estime nécessaire de dissiper. Cette proposition ne te peut être faite que par certains esprits qui ont véritablement quelque connaissance de la mécanique ou de la géométrie, mais qui, pour ne les savoir