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PREMIER FACTUM


Et ainsi il n’y a plus ici de question de fait ; il demeure d’accord de tout ; il confesse que, selon les casuistes, il n’y a plus d’usure dans les contrats les plus usuraires, par le moyen qu’il en donne pages 179, 189, 190, 191, etc. Les bénéficiers seront exempts de simonie, quelque trafic qu’ils puissent faire, en dirigeant bien leur intention (p. 109). Les blasphèmes, les parjures, les impuretés, « et enfin tous les crimes contre le Décalogue, ne sont plus péchés, si on les commet par ignorance, ou par emportement et passion (p. 47, 50). » « Les valets peuvent voler leurs maîtres pour égaler leurs gages à leurs peines, » selon le P. Banny, qu’il confirme (p. 143). « Les femmes peuvent prendre de l'argent à leurs maris pour jouer (p. 269). Les juges ne sont pas obligés à restituer ce qu’ils auroient reçu pour faire une injustice (p. 217). On ne sera point obligé de quitter les occasions et les professions où l’on court risque de se perdre, si on ne le peut facilement (p. 86). On recevra dignement l’absolution et l’eucharistie, sans avoir d’autre regret de ses péchés que pour le mal temporel qu’on en ressent (p. 287 et 288). On pourra, sans crime, calomnier ceux qui médisent de nous, en leur imposant des crimes que nous savons être faux » (p. 225, 226 et 227).

Enfin tout sera permis, la loi de Dieu sera anéantie, et la seule raison naturelle deviendra notre lumière en toutes nos actions, et même pour discerner quand il sera permis aux particuliers de tuer leur prochain, ce qui est la chose du monde la plus pernicieuse, et dont les conséquences sont les plus terribles. « Qu’on me fasse voir, dit-il (p. 153, etc.), que nous ne devons pas nous conduire par la lumière naturelle, pour discerner quand il est permis ou défendu de tuer son prochain. » Et pour confirmer cette proposition : « Puisque les monarques se sont servis de la seule raison naturelle pour punir les malfaiteurs, ainsi la même raison naturelle doit servir pour juger si une personne particulière peut tuer celui qui l’attaque, non-seulement en sa vie, mais en son honneur et en son bien. » Et pour répondre à ce que la loi de Dieu le défend, il dit au nom de tous les casuistes : « Nous croyons avoir raison d’exempter de ce commandement de Dieu ceux qui tuent pour conserver leur honneur, leur réputation et leur bien. »

Si on considère les conséquences de cette maxime, que « c’est à la raison naturelle à discerner quand il est permis ou défendu de tuer son prochain, » et qu’on y ajoute les maximes exécrables des docteurs très-graves, qui, par leur raison naturelle, ont jugé qu’il étoit permis de commettre d’étranges parricides contre les personnes les plus invioables, en de certaines occasions, on verra, que si nous nous taisions après cela, nous serions indignes de notre ministère ; que nous serions les ennemis, et non pas les pasteurs de nos peuples ; et que Dieu nous puniroit justement d’un silence si criminel. Nous faisons donc notre devoir en avertissant les peuples et les juges de ces abominations ; et nous espérons que les peuples et les juges feront le leur, les uns en les évitant, et les autres en les punissant comme l’importance de la chose le mérite.

Mais ce qui nous presse encore d’agir en cette sorte est qu’il ne faut pas considérer ces propositions comme étant d’un livre anonyme et sans