Mais les vrais enfans de l’Église savent bien discerner la véritable paix
que le Sauveur peut seul leur donner, et qui est inconnue au monde,
d’avec cette fausse paix que le monde peut bien donner, mais qui est
en horreur au Sauveur du monde. Ils savent que la véritable paix est
celle qui conserve la vérité en la possession de la croyance des hommes,
et que la fausse paix est celle qui conserve l’erreur en possession de la
crédulité des hommes :
ils savent que la véritable paix est inséparable de la vérité, qu’elle n’est jamais interrompue aux yeux de Dieu par les disputes qui semblent l’interrompre quelquefois aux yeux des hommes, quand l'ordre de Dieu engage à défendre ses vérités injustement attaquées, et que ce qui seroit alors une paix devant les hommes seroit une guerre devant Dieu.
Ils savent aussi que, bien loin de blesser la
charité par ces corrections, on blesseroit la charité en ne les faisant
pas, parce que la fausse charité est celle qui laisse les méchans en repos
dans les vices, au lieu que la véritable charité est celle qui trouble ce
malheureux repos ; et qu’ainsi, au lieu d’établir la charité de Dieu par
cette douceur apparente, ce seroit la détruire, au contraire, par une
indulgence criminelle, comme les saints Pères nous l’apprennent par
ces paroles : « Hœc charitas destruit charitatem. » Aussi c’est pour cela que
l’Écriture nous enseigne que Jésus-Christ est venu apporter au monde,
non seulement la paix, mais aussi
l'épée et la division, parce que toutes
ces choses sont nécessaires chacune en leur temps pour le bien de la
vérité, qui est la dernière fin des fidèles ; au lieu que la paix et la guerre
n’en sont que les moyens, et ne sont légitimes qu'à proportion de l’avantage
qui en revient à la vérité. Ils savent que c’est pour cela que l'Écriture
dit « qu’il y a un temps de paix et un temps de guerre, » au lieu
qu’on ne peut pas dire qu’il y a un temps de vérité et un temps de
mensonge : et qu’il est meilleur qu’il arrive des scandales, que non
pas que la vérité soit abandonnée, comme disent les saints Pères de l’Église.
Il est donc indubitable que les personnes qui prennent toujours ce prétexte de charité et de paix pour empêcher de crier contre ceux qui détruisent la vérité, témoignent qu’ils ne sont amis que d’une fausse paix, et qu’ils sont véritablement ennemis, et de la véritable paix, et de la vérité. Aussi c’est toujours sous ce prétexte de paix que les persécuteurs de l’Église ont voilé leurs plus horribles violences, et que les faux amis de la paix ont consenti à l’oppression des vérités de la religion et des saints qui les ont défendues.
C’est ainsi que saint Athanase, saint Hilaire et d’autres saints évêques de leur temps ont été traités de rebelles, de factieux, d’opiniâtres, et d’ennemis de la paix et de l’union : qu’ils ont été déposés, proscrits et abandonnés de presque tous les fidèles, qui prenoient pour un violement de la paix le zèle qu’ils avoient pour la vérité. C’est ainsi que le saint et fameux moine Étienne étoit accusé de troubler la tranquillité de l'Église par les trois cent trente évêques qui vouloient ôter les images des églises, ce qui étoit un point qui assurément n’étoit pas des plus importans pour le salut ; et néanmoins parce qu’on ne doit jamais relâcher les moindres vérités sous prétexte de la paix, ce saint religieux