passés et à venir que jamais la prière ne se trouvera en eux par la réduction qu’ils auront faite de leur pouvoir prochain en acte. Or, on ne peut pas dire la même chose de la grâce suffisante des Thomistes, c'est-à-dire qu’on peut, sans impertinence, dire qu’elle ne sera jamais réduite en acte, parce qu’ils ne l’établissent pas prochainement suffisante. Mais si ce pouvoir prétendu de tous les justes pour prier est prochain, on ne peut plus dire avec assurance que tous ceux en qui se trouve la prière, ne l’ont pas par ce pouvoir prochain, et qu’ils l’ont par une grâce efficace ; et par conséquent, si saint Augustin et tous les Pères déclarent affirmativement que la prière est toujours un effet d’une grâce efficace, il s’ensuit nécessairement de cette affirmation universelle, que ceux qui n’ont pas la prière n’ont pas un pouvoir prochain pour prier.
Donc, pour montrer que tous ceux qui ne prient pas n‘ont pas un pouvoir prochain de prier, il suffit de montrer que tous ceux qui prient, prient par une grâce efficace ; et c’est ce que nous trouvons dans tout saint Augustin : c’est même pourquoi sont faits tous ses ouvrages sur la grâce, sans presque aucune exception. « Cette grâce, pour être choisie, choisit la première, et n’est point reçue, ni aimée, sinon lorsqu’elle opère cela dans le cœur de l’homme. Donc, et la réception, et le désir de la grâce, est l'ouvrage de la grâce. » (Fulg., 160.) Et après : « Donc c’est elle qui se fait connoitre, aimer, désirer, demander. On ne peut pas avoir le désir de l’oraison, s’il ne nous est donné de Dieu, » (Fulg., 268.) « Que ceux qui pensent que la prière est de nous, au lieu qu’elle nous est donnée, prennent garde comme ils se trompent. » (Aug., 438.) Et puis : « Ils ne veulent pas entendre que cela même, que nous prions, est un don de Dieu. (Aug., 438.) « Et ainsi c’est lui-même qui nous fait demander tout ce que nous désirons recevoir : il nous fait chercher tout ce que nous désirons de trouver ; il nous fait heurter où nous désirons d’arriver ; car l’oraison elle-même est un don de la grâce » (Aug., 438.) « Donc, afin que nous voulions croire en Dieu, il nous donne cette bonne volonté : afin que nous croyions en lui, il nous donne la foi : afin que nous l’aimions, il nous donne la charité. » Et ensuite : « Donc c’est la seule grâce qui fait en nous la bonne volonté ; elle seule donne la foi à cette volonté. » (Fulg., 490.)
Il seroit inutile d’en rapporter plus de témoignages, puisque c’est tout l’objet de saint Augustin et de ses disciples. Considérons donc la force de leurs expressions. S’il est vrai que cette grâce n’est ni aimée, ni reçue, sinon lorsqu’elle opère elle-même ces effets dans le cœur, comment pourra-t-on dire que ceux qui ne l’aiment point, ont le pouvoir prochain de l’aimer, et qu’il dépend d’eux de l’aimer sans une grâce efficace, puisqu’elle n’est jamais aimée que par sa propre efficacité ? Comment dira-t-on avec hardiesse que la prière est un don de la grâce, et que c’est elle qui nous fait demander tout ce que nous désirons, s’il peut se faire que par un pouvoir prochain on demande, quoique la grâce ne fasse pas demander ? Comment dira-t-on que c’est la seule grâce qui donne la foi à la volonté, si tant de personnes ayant un pouvoir prochain, d’avoir la foi, il peut arriver qu’ils l'aient en le