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Page:Pascal - Oeuvres complètes, II.djvu/85

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SUR LES COMMANDEMENS DE DIEU.

d’hérétiques qui la soutinssent, ils auroient pu avoir d’autres raisons de s’y opposer, puisqu’il auroit pu arriver qu’on la leur auroit imputée à eux-mêmes, et qu’on les auroit mis, par cette calomnie, dans la nécessité de la réfuter pour s’en défendre, ce qui est en effet si véritable, qu’il ne faut avoir aucune connoissance de l’histoire de l’hérésie pélagienne et des écrits des saints Pères sur ce sujet, pour douter des reproches continuels que ces hérétiques leur faisoient d’être dans cette erreur ; la troisième, que les Pères avoient en tête des hérétiques, savoir : les manichéens, qui soutenoient cette erreur comme un dogme capital de leur doctrine, que Luther n’a pas inventée, mais renouvelée, « que les commandemens sont impossibles absolument, » que les hommes n’ont point le libre arbitre, et qu’ils sont nécessités à pécher, et dans une impuissance invincible de ne pas pêcher.

De sorte que ces trois preuves ensemble feront connoître que les Pères ont été obligés à établir cette proposition, « que les commandemens ne sont pas impossibles, » en ce sens qu’il n’est pas impossible qu’on les observe non seulement par autant de considérations que le concile, mais par plus de raisons que le concile, puisqu’ils avoient de pareils hérétiques à convaincre, et de plus, des reproches si outrageux à repousser.


PREUVES DU PREMIER POINT. — Que l’Église condamne souvent les erreurs qui ne sont soutenues par aucuns hérétiques, sans qu’on doive dire pour cela, qu’elle combatte des chimères ; et qu’ainsi les Pères auroient bien pu établir que les préceptes ne sont pas impossibles, en ce sens qu’il n’est pas impossible qu’on les observe, encore qu’il n’y eût point d’hérésie du sentiment contraire.


Je ne sais par quel vain raisonnement on peut prétendre que l’Église ne puisse prévenir les maux en retranchant la racine des hérésies avant leur naissance, sans s’exposer a cette raillerie, qu’elle combatte des chimères. Ne suffit il pas qu’une erreur soit véritable, pour être un digne objet de son zèle ? Et pourquoi faut-il qu’elle soit obligée d’attendre à la condamner, qu’elle se soit glissée dans le cœur de ses enfans ? Bannira-t-on de sa conduite, toute sage et toute prudente, la prévoyance qui est une partie si essentielle et la plus utile de la prudence ? Et par quel étrange renversement cette vigilance si salutaire, qui est louable aux particuliers, aux familles, aux États et à toutes sortes de gouvernemens, quoiqu’ils soient sujets à périr, deviendra-t-elle ridicule à l’Église, dont les soins doivent être tout autrement étendus, par l’assurance qu’elle a de son éternelle durée ?

Mais ce que je combats est véritablement une chimère ; et il n’y a rien de plus vain que ce raisonnement : car l’Église regarde les enfans qui lui sont promis dans tous les siècles, comme s’ils étoient présens ; et les unissant tous dans son sein, après avoir formé ceux qui sont passés, elle trace les règles de la conduite de ceux qui sont à venir, et leur prépare les moyens de leur salut avec autant d’amour qu’à ceux qu’elle nourrit présentement, par une prévoyance qui n’a non plus de bornes