effet leur part est plus essentielle[1] : ils s’établissent par la force, les autres par grimace[2].
C’est ainsi que nos rois n’ont pas recherché ces déguisements. Ils ne se sont pas masqués d’habits extraordinaires pour paraître tels[3] ; mais ils se sont accompagnés de gardes, de hallebardes : ces trognes armées[4] qui n’ont de mains et de force que pour eux, les trompettes et les tambours qui marchent au-devant, et ces légions qui les environnent, font trembler les plus fermes. Ils n’ont pas l’habit seulement, ils ont la force. Il faudrait avoir une raison bien épurée pour regarder comme un autre homme le Grand Seigneur[5] environné, dans son superbe sérail, de quarante mille janissaires.
S’ils avaient[6] la véritable justice, si les médecins avaient le vrai art de guérir, ils n’auraient que faire de bonnets carrés : la majesté de ces sciences serait assez vénérable d’elle-même. Mais n’ayant que des sciences imaginaires, il faut qu’ils prennent ces vains instruments qui frappent l’imagination à laquelle ils ont affaire ; et par là, en effet, ils s’attirent le respect.
Nous ne pouvons pas seulement voir un avocat en soutane et le bonnet en tête, sans une opinion avantageuse de sa suffisance[7].
- ↑ « Est plus essentielle. » A plus de réalité.
- ↑ « Par grimace. » Par représentation, par comédie.
- ↑ « Pour paraître tels. » Pour paraître rois.
- ↑ « Ces trognes armées. » Trivialité de génie. On y sent à plein le mépris qu’inspire la force brutale à une intelligence supérieure enfermée dans un corps frêle. Ces satellites ne sont pas des hommes, ce sont des trognes qui ont des mains. Ce mot exprime une grosse face rébarbative. — Mais un roi n’a pas toujours des gardes autour de lui. Pascal répond à cela, v, 7.
- ↑ « Le Grand Seigneur. » Pascal le choisit parmi les souverains comme pouvant faire couper des têtes à sa volonté. — On sait que les janissaires n’existent plus, et que le Grand Seigneur n’est plus si terrible.
- ↑ « S’ils avaient. » Nos magistrats. On revient à eux après une longue parenthèse.
- ↑ « De sa suffisance. » Ce mot ne se dit plus en ce sens.