s’il ne raisonne pas bien à présent ; une mouche bourdonne[1] à ses oreilles : c’en est assez pour le rendre incapable de bon conseil. Si vous voulez qu’il puisse trouver la vérité, chassez cet animal qui tient sa raison en échec[2], et trouble cette puissante intelligence qui gouverne les villes et les royaumes. Le plaisant dieu[3] que voilà ! O ridicolosissimo eroe[4] !
Il y a une différence universelle et essentielle entre les actions de la volonté et toutes les autres.
La volonté est un des principaux organes de la créance ; non qu’elle forme la créance, mais parce que les choses sont vraies ou fausses[5], selon la face par où on les regarde. La volonté, qui se plaît à l’une plus qu’à l’autre, détourne l’esprit de considérer les qualités de celles[6] qu’elle n’aime pas à voir : et ainsi l’esprit, marchant d’une pièce[7] avec la volonté, s’arrête à regarder la face qu’elle aime, et ainsi il en juge par ce qu’il y voit.
L’imagination grossit les petits objets jusqu’à en remplir
- ↑ « Une mouche bourdonne. » Mont., III, 13, p. 159 : « l’ay l’esprit tendre, et facile à prendre l’essor : quand il est empesché à part soy, le moindre bourdonnement de mouche l’assassine. »
- ↑ « Qui tient sa raison en échec. » Un de ces traits admirables qui se remarquent, mais ne s’analysent pas. Cela est bien supérieur à Montaigne.
- ↑ « Le plaisant dieu. » Pascal pensait peut-être au reproche que Montaigne fait à l’homme de s’égaler à Dieu, de s’attribuer les conditions divines (Apol., p. 29). Épictète parle du dieu qui est en chacun de nous, II, 8.
- ↑ O ridicolosissimo eroe ! » Je ne sais d’où est pris cet italien.
- ↑ « Sont vraies ou fausses. » Les anciens éditeurs ont mis paraissent. Ce n’est plus la pensée de Pascal, ce n’est plus le pyrrhonisme. Cf. vi, 60.
- ↑ « De celles. » C’est-à-dire des faces.
- ↑ « Marchant d’une pièce. » Mont., III, 2, p. 193 : « Je fois coustumierement entier ce que ie fois, et marche tout d’une piece. » — Il en juge. Des chose. Par ce qu’il y voit. Par ce qu’il voit dans cette face.