de tambours, d’officiers, et de toutes les choses qui plient la machine[1] vers le respect et la terreur, fait que leur visage, quand il est quelquefois seul et sans ces accompagnements, imprime dans leurs sujets le respect et la terreur, parce qu’on ne sépare pas dans la pensée leur personne d’avec leur suite, qu’on y voit d’ordinaire jointe. Et le monde, qui ne sait pas que cet effet a son origine dans cette coutume, croit qu’il vient d’une force naturelle ; et de là ces mots[2] : Le caractère de la Divinité est empreint sur son visage, etc.
La puissance des rois est fondée sur la raison et sur la folie du peuple, et bien plus sur la folie. La plus grande[3] et la plus importante chose du monde a pour fondement la faiblesse : et ce fondement-là est admirablement sûr[4] ; car il n’y a rien de plus sûr que cela, que le peuple sera faible[5]. Ce qui est fondé sur la seule raison est bien mal fondé, comme l’estime de la sagesse.
Les Suisses s’offensent[6] d’être dits gentilshommes, et
- ↑ « La machine. » Pascal appelle ainsi cette partie de l’homme par laquelle il est machine, comme l’animal, et n’obéit pas à la réflexion, mais à l’instinct. (Cf. x, 4.)
- ↑ « Et de là ces mots. » Comme il déshabille l’idole ! Louis XIV commençait à peine de régner quand Pascal s’exprimait ainsi, et Pascal écrivait au fond de sa retraite. Quand parut l’édition de P. R., le roi avait passé trente ans, il était dans toute la splendeur de son règne ; les poètes, les écrivains, les orateurs mêmes de la chaire l’encensaient, et de telles paroles, tombant dans le public, auraient paru un blasphème.
- ↑ « La plus grande. » Pascal n’est pas un frondeur, il s’en faut bien ; la royauté n’a pas un sujet plus fidèle. Mais sa philosophie l’emporte.
- ↑ « Admirablement sûr. » Pascal se trompait !
- ↑ « Le peuple sera faible. » Mais il peut changer de faiblesse.
- ↑ « Les Suisses s’offensent. » Je ne sais où Pascal a pris cette assertion, qui est bien loin d’être exacte. Les Suisses ne se sont jamais offensés d’être dits gentilshommes ; nulle part au contraire l’esprit aristocratique n’est demeuré plus fortement enracine que dans les cantons. On n’y a