Être brave[1] n’est pas trop vain[2] ; car c’est montrer qu’un grand nombre de gens travaillent pour soi ; c’est montrer par ses cheveux qu’on a un valet de chambre, un parfumeur, etc. ; par son rabat, le fil, le passement[3], etc.
Or, ce n’est pas une simple superficie, ni un simple harnais[4], d’avoir plusieurs bras. Plus on a de bras, plus on est fort. Être brave, c’est montrer sa force[5].
Cela est admirable[6] : on ne veut pas que j’honore un homme vêtu de brocatelle, et suivi de sept ou huit laquais[7] ! Eh quoi ! il me fera donner les étrivières[8], si je ne le salue. Cet habit, c’est une force. C’est bien de même d’un cheval bien euharnaché, à l’égard d’un autre ! Montaigne est plaisant de ne pas voir quelle différence il y a, et d’ad-
- ↑ « Être brave. » En titre dans le manuscrit, Opinions du peuple saines. Brave, c’est-à-dire bien mis ; il est encore pris en ce sens dans le langage populaire.
- ↑ « N’est pas trop vain. » Dans le même sens du mot rain, que nous avons vu plusieurs fois (ii, 5 ; iii, 5 ; iv, 1 ; v, 2), et tout à l’heure encore ; c’est-à-dire n’est pas quelque chose qui soit illusoire, creux, sans valeur.
- ↑ « Le fil, le passement. » C’est montrer par son rabat, par la qualité du fil et du passement, qu’on paye les meilleurs marchands et les meilleurs ouvriers. Voir Mascarille, dans les Précieuses, détaillant tout son ajustement.
- ↑ « Un simple harnais. » Voir le passage de Montaigne cité au paragraphe suivant.
- ↑ « C’est montrer sa force. « Pascal cherche toujours, comme on voit, la raison des effets. Le danger de cette analyse savante, c’est qu’en expliquant tout on prétende justifier tout, tout a sa raison, mais ce n’est pas toujours une bonne raison.
- ↑ « Cela est admirable. » En titre : Raison des effets.
- ↑ « Sept ou huit laquais. » Et non sept à huit laquais, comme mettent les éditions. On dit sept à huit, quand il peut y avoir une fraction entre deux.
- ↑ « Les étrivières. » Notre âme, imprégnée du sentiment de l’égalité, a peine à supporter aujourd’hui cette amère ironie.