Le mal est aisé, il y en a une infinité ; le bien presque unique. Mais un certain genre de mal[1] est aussi difficile à trouver que ce qu’on appelle bien ; et souvent on fait passer pour bien à cette marque ce mal particulier. Il faut même une grandeur extraordinaire d’âme pour y arriver, aussi bien qu’au bien.
Les cordes qui attachent[2] le respect des uns envers les autres, en général, sont des cordes de nécessité ; car il faut qu’il y ait différents degrés, tous les hommes voulant dominer[3], et tous ne le pouvant pas, mais quelques-uns le pouvant[4].
Figurons-nous donc que nous les voyons commencer[5] à se former. Il est sans doute qu’ils se battront jusqu’à ce que la plus forte partie opprime la plus faible, et qu’enfin il y ait un parti dominant. Mais quand cela est une fois déterminé, alors les maîtres, qui ne veulent pas que la guerre continue, ordonnent que la force qui est entre leurs mains suc-
- ↑ « Mais un certain genre de mal. » Il est difficile de reconnaître ce qui a pu suggérer à Pascal cette réflexion. Elle s’applique très-bien à ces personnages coupables et grands à la fois qui figurent au premier rang dans l’histoire, comme César.
- ↑ « Les cordes qui attachent. » Il faut avouer que ces cordes qui attachent des respects, ces cordes de nécessité ou d’imagination, sont des métaphores bizarres, et que cela n’est pas bien écrit.
- ↑ « Tous les hommes voulant dominer. » Car, si tous ne le voulaient pas, ceux qui le voudraient prendraient l’empire sur les autres sans contestation. Si personne ne le voulait, il y aurait égalité, toujours sans contestation.
- ↑ « Mais quelques-uns le pouvant. » En effet, si tous le pouvaient également, ce serait comme si aucun ne le pouvait, et il y aurait encore égalité.
- ↑ « Nous les voyons commencer. » Qui ? Ce relatif n’est pas clair.