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PASCAL. — PENSÉES.

Qui ne croirait, à nous voir composer toutes choses d’esprit et de corps, que ce mélange-là nous serait bien compréhensible ? C’est néanmoins la chose qu’on comprend le moins. L’homme est à lui-même le plus prodigieux objet de la nature ; car il ne peut concevoir ce que c’est que corps, et encore moins ce que c’est qu’esprit, et moins qu’aucune chose comment un corps peut être uni avec un esprit. C’est là le comble de ses difficultés, et cependant c’est son propre être : Modus quo[1] corporibus adhæret spiritus comprehendi ab hominibus non potest ; et hoc tamen homo est. Enfin pour consommerErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu. la preuve de notre faiblesse, je finirai par ces deux considérations[2]


? « Enfin pour consommer. » Il y avait d’abord l’alinéa suivant, que

Pascal à barré : « Voilà une partie des causes qui rendent l’homme si im- » bécile à connaître la nature. Elle est infinie en deux manières, il est fini » ct limité. Elle dure et se maintient perpétuellement en son être, il passe » et est mortel. Les choses en particulier se corrompent et se changent à » chaque instant, il ne les voit qu’en passant. Elles ont leur principe et » leur fin, il ne conçoit ni l’un ni l’autre. Elles sont simples, et il est com- » posé de deux natures différentes ; et pour consommer la preuve de notre » faiblesse, je finirai par cette réflexion sur l’état de notre nature. » Nous avons dans ce passage un résumé de tout le morceau compris sous ce titre : Disproportion de l’homme. Sculement les idées contenues dans la troisième et la quatrième phrase de ce résumé n’ont pas été traitées par Pascal.

3 « Par ces deux considérations. » Quelles sont ces deux considérations que Pascal avait dans l’esprit et qu’il n’a pas rédigées ? Je ne saurais le dire. — Nous devons faire remarquer, parmi les développements que ce morceau renferme, la considération des deux infinis. C’est une idée fonda- mentale dans la philosophie de Pascal, ct elle fait l’objet principal de l’o— puscule intitulé : De l’esprit géométrique (voir cet opuscule). Il fait voir que nous concevons nécessairement comme divisibles à l’infini le temps, l’étendue, le mouvement, et cette condition de divisibilité infinie, il l’applique aux êtres eux-mêmes, les montrant comme suspendus, suivant une pro— sression continue, entre les deux limites de l’infini et du néant. Mais re

    composé toutes les choses, etc. Le texte de Pascal est bien plus énergique ; c’est notre être même que nous faisons entrer dans les choses. Le de manque dans le manuscrit.

  1. « Modus quo. » Augustin, de Civ. Dei, XXI, 10. Cité par Montaigne, Apol., p. 201 : « Ces gents icy… qui n’ignorent rien… n’ont-ils pas quelquesfois sondé, parmy leurs livres, les difficultez qui se presentent à cognoistre leur estre propre, » etc.
  2. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées p18