Page:Pascal - Pensées, 2e édition G. Desprez, 1670.djvu/290

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cœur d’espérances imaginaires, ce qui est faux. Pyrrhus ne pouvait être heureux ni devant ni après avoir conquis le monde. Et peut-être que la vie molle que lui conseillait son ministre était encore moins capable de le satisfaire, que l’agitation de tant de guerres, et de tant de voyages qu’il méditait.

On doit donc reconnaître, que l’homme est si malheureux, qu’il s’ennuierait même sans aucune cause étrangère d’ennui par le propre état de sa condition naturelle : et il est avec cela si vain et si léger, qu’étant plein de mille causes essentielles d’ennui, la moindre bagatelle suffit pour le divertir. De sorte qu’à le considérer sérieusement, il est encore plus à plaindre de ce qu’il se peut divertir à des choses si frivoles et si basses, que de ce qu’il s’afflige de ses misères effectives ; et ses divertissements sont infiniment moins raisonnables que son ennui.

[§] D’où vient que cet homme qui a perdu depuis peu son fils uni-