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Page:Passerat - Poésies françaises, édition Blanchemain, 1880, vol 1.djvu/145

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LA CORNE D ABONDANCE. 109 Ainsi ie discouroi, quand un démon ami Au premier chant du coq m’abbatit endormi Soubs un Saule, à l’escart, comme il plut à fortune. Ie pensai voir adonc, aus rayons de la Lune, Faunes , Satyres, Pans, saultant parmy les prés Emperlés de rouzée, et de fleurs diaprés; Où par maintes chansons et folastres gambades Taschoient d’appriuoiser les farouches Dryades. Nymphes (ce disoient-ils) Nymphes qui fuyés vous ? Vous fuyés vos amis : approchés vous de nous. Si nous sommes cornus, en estes vous peureuses ? Nos cornes vous devroient rendre plus amourouses. En toute compaignie on dict que les cornus, Soient hommes, ou soient dieus, sont toujiours bien venus. Iupiter courtisant la fille de Nyclée Àuoit de l'un de nous la figure empruntée: Il auoit d’un Taureau la blanche forme encor Pour trauailler en vain la maison d’Agenor, Tandis qu’il emportoit sa proye desiree, Par l’humide chemin de la plaine azuree. Tesmoin l’ajstre odieus aus Hyuers mal-contens Que de ses cornes d’or il ouure le Printemps. Lui messme estoit Bélier, quand auprès de Cyrenes Son oracle il rendoit sur les seches arenes. Ce nous est donc honneur que des cornes porter Qui seruent d’ornement au père Iuppiter. Le sommeil donte tout, enfant de la nuict brune. Des soucis espineus médecine commune: Du trauail journalier, l’amiable repos ; Qui nous renuoye à l'œuvre au matin plus dispos ; Lors qu’il veult s’embellir, son chef gracieux orne Non de riche couronne, ains d’une seule corne. Le bel œil de la nuict, qui mesure les mois, Qui gouverne les monts, les fleuves, et les bois,