Page:Pasteur - Œuvres complètes, tome 6.djvu/16

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contre dans diverses infusions ou liquides pathologiques mais ses propriétés physiologiques l’en éloignent encore profondément. Ce sont là de nouvelles preuves ajoutées à tant d’autres : qu’à beaucoup d’égards la forme des êtres microscopiques est secondaire ; qu’en ce qui les concerne, il faut être sobre de classifications ; que, dans tous les cas, au premier rang de leurs caractères distinctifs, il faut placer leur action sur l’économie vivante. Quant à l’identité complète de nature entre l’organisme tel qu’il se montre dans le sang et tel qu’il apparaît dans ses cultures, elle est surabondamment démontrée par ce fait que l’inoculation des cultures en longs chapelets d’articles provoque la même maladie que l’inoculation du sang infectieux, avec les mêmes lésions, et que le sang des animaux morts se trouve rempli de l’organisme microscopique, avec la forme qu’il a constamment dans ce liquide à la suite des inoculations de la salive et du sang.

Nous sommes donc bien, comme je disais tout à l’heure, en possession d’une maladie nouvelle, déterminée en outre par la présence d’un parasite microscopique très nouveau lui-même, ou qui du moins a échappé jusqu’à ce jour à l’investigation pathologique. S’il est pénible de penser qu’il faudra compter désormais avec ce nouveau virus, d’une virulence excessive, par contre, son existence est un succès de plus pour la nouvelle doctrine étiologique des maladies transmissibles.

La plus grande des singularités du nouvel agent virulent est assurément la suivante on sait combien le cochon d’Inde est voisin du lapin par sa structure anatomique, par son genre de vie, par la facilité avec laquelle, dans toutes les tentatives d’inoculation des maladies contagieuses, on a pu le substituer au lapin et inversement, comme réactif physiologique, si l’on peut ainsi parler. Eh bien ! tandis qu’une très faible quantité du virus nouveau, inoculée au lapin, tue cet animal, souvent en moins de vingt-quatre heures, le cochon d’Inde éprouve si peu d’effet d’une inoculation à dose même beaucoup plus forte, que le lendemain et les jours suivants aucune lésion locale ne se sent sous le doigt dans la partie inoculée ; l’animal conserve son appétit et sa vigueur pendant des semaines. Si la quantité de sang virulent inoculé est considérable, il se fait un peu de pus et une eschare de guérison facile et qui n’incommode en rien l’animal. Arrivera-t-il ultérieurement que ces inoculations aux cobayes feront apparaître tout à coup des symptômes pathologiques ? Il est prudent de rester dans le doute. Les faits sont encore récents. Ne se pourrait-il pas que cette espèce animale nous donnât l’exemple d’une longue incubation du virus, puisque aussi bien l’étrange maladie dont nous parlons provient de la salive d’un enfant mort de la rage, et que le