Page:Pasteur - Œuvres complètes, tome 6.djvu/20

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Le 27 novembre dernier, un petit chien entrait dans une usine à Saint-Denis, en se faufilant avec une voiture qui amenait des matériaux pour le service de l’établissement ce petit chien, inconnu à tout le monde, va caresser un ouvrier qui meurt un mois après avec tous les symptômes de la rage. Il faut prendre garde, dit M. Pasteur, aux caresses des chiens, car, d’après notre confrère, M. Bouley, la rage commence par la manifestation de qualités affectives. L’ouvrier étant mort le 23 décembre, M. Pasteur inocula un peu de sa salive a des lapins qui moururent avec les mêmes symptômes que les autres.

Dans une Note à l’Académie de médecine, M. Galtier[1] a dit qu’il avait fait développer plusieurs fois la rage par l’inoculation du produit obtenu en raclant la muqueuse bucco-pharyngienne, mais qu’il avait inoculé plus de dix fois, et toujours avec le même insuccès, le produit obtenu en exprimant la substance cérébrale. Il y avait donc intérêt à faire de nouvelles expériences sur ce point ; or, MM. Pasteur, Roux et Chamberland out pris, dans des lapins morts, le liquide de l’encéphale et l’ont inoculé à des lapins qui sont morts, comme tes premiers. Cette expérience a été renouvelée plusieurs fois, et tend à prouver que le cerveau est le siège de la rage.

En résumé, M. Pasteur et ses collaborateurs espèrent que si la rage pouvait être attribuée à la présence d’un organisme microscopique, il ne serait peut-être pas au-dessus des ressources actuelles de la science de trouver le moyen d’atténuer l’action du virus de la terrifiante maladie, pour le faire servir ensuite à en préserver les chiens et, par suite, l’homme qui jamais ne contracte ce mal affreux que par les caresses ou la morsure d’un chien enragé.

[DISCUSSION]

M. MILNE-EDWARDS demande à M. Pasteur s il a examiné comparativement les résultats qui peuvent être obtenus avec l’inoculation d’autres liquides de l’économie.

M. Pasteur répond que, jusqu’à présent, il n’a rien trouvé dans les autres liquides organiques qui permette de supposer que ces liquides soient le siège de la maladie. Il a constaté que les reins et les testicules sont quelquefois atteints ; les reins sont jaunâtres, blafards, et les testicules sont à l’état de bouillie. En ce qui touche la période d’incubation, quelquefois assez longue, de la rage, voici comment M. Pasteur l’explique : au moment de la morsure, le virus introduit dans le corps ne trouverait un milieu convenable à sa culture qu’en arrivant à l’encéphale ; M. Pasteur fait des recherches à ce sujet.

M. PASTEUR ajoute qu’on peut laver la morsure avec de l’eau et même avec de l’urine ; il n’est pas nécessaire, d’ailleurs, d’aller jusqu’à la partie où le croc du chien s’est arrêté.

  1. GALTIER. Sur la transmissibilité de la rage du chien au lapin. Bulletin de l’Académie de médecine, séance du 25 janvier 1881, 2e sér., X, p. 90-94. (Note de l’Édition.)