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comment nous ferons la révolution

la préoccupation de la défendre contre une attaque extérieure. Et si le gouvernement n’avait pas eu recours à leurs canons, c’est que la révolution avait eu un déroulement imprévu, rapide, qui l’avait mis dans l’incapacité d’user de tous ses moyens de défense. Il lui était advenu ce qui, au cours des révolutions antérieures, avait perdu des gouvernements qui, la veille de leur chute, semblaient inébranlables, — il avait été sidéré par l’ampleur de l’insurrection, par son offensive vigoureuse.

La démolition des forts eut davantage le caractère de fêtes champêtres que d’expéditions révolutionnaires. On alla à leur démantèlement en bandes joyeuses ; on festoyait gaiement sur les glacis, chantant, farandolant et trinquant avec bonne humeur. On préluda par l’allégresse au nivellement des fossés, au défoncement des casemates, à l’enclouage des canons, à la destruction des munitions.

On n’eut de respect que pour les fusils et les armes de facile maniement, qu’on déménagea en cortèges triomphaux et qu’on transporta à la Bourse du travail.

C’était de bonne et judicieuse tactique. C’était la preuve qu’ayant été capable de vaincre, le peuple allait être apte à défendre sa victoire, puisque, autant il tenait pour indispensable d’anéantir tout ce qui était armement offensif et moyens d’attaque, autant il appréciait l’avantage de se conserver des armes défensives. Il se souvenait combien il avait souffert du manque de fusils ! Il avait la mémoire des déceptions éprouvées, lorsque les occasions de se libérer s’offrirent à lui et qu’il ne put en profiter,