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circonstances le réclamaient. Munies de vitres teintées de l’époque, elles auraient rendu l’église presque obscure, mais favorisé ainsi le plein effet lumineux des cierges, utiles ici en tout cas. Une voûte en berceau, semblable à celle d’un tunnel d’une extrémité à l’autre de la longue nef centrale, ajoute par la simplicité de sa forme au magnifique effet d’unité. Les arcs-doubleaux, qui s’élancent d’une travée à l’autre, partiellement colorés, avec des voussures alternativement gris-blanches ou verdâtres, quelque peu aplaties à la clef de voûte et littéralement excentriques, présentent, tout au moins pour un œil anglais, quelque chose de sarrazin, d’oriental.

Encore une fois, c’est comme si les architectes — les ingénieurs — qui ont travaillé ici, avaient vu des choses inimaginées par les autres constructeurs d’Angleterre et de Normandie.

Ici donc, atténuant à peine le caractère presque sauvage de l’œuvre, abondantes sur le tympan de la porte principale et sur les imposants chapiteaux de la nef, se trouvent des sculptures qui offensaient Bernard[1]. Un somptueux bandeau, une guipure sculptée, d’une singulière effronderie, court sans interruption autour des arceaux ainsi que le long des corniches d’une travée à l’autre, et, par l’accentuation du relief[2] de l’ornement entier, il peut être considéré comme typique de la puissante sculpture bourguignonne. Des chapiteaux sculptés, à aimer ou à haïr avec saint Bernard, on compte environ une centaine, nullement fastidieux en raison de leur diversité, uniques dans l’énergie de leur conception, pleins de sauvages promesses dans leur rude exécution, cruels, pouvez-vous dire, dans la réalisation des formes et des attitudes humaines. Ils retiennent irrésistiblement l’attention.

Les sujets sont la plupart tirés des Écritures, choisis apparemment comme se prêtant le mieux à une

  1. « La hauteur immense des églises, leur longueur extraordinaire, l’inutile ampleur de leur nef, la richesse des matériaux polis, les peintures qui attirent le regard, etc. » Lettres de saint Bernard, né au château de Fontaine, Bourgogne. (Note du traducteur.)
  2. Dans le texte : The large bossy tendency of the ornement… of Burgundian richness.