beaux traits de sa vie, et on comptait ses trophées.
Il en avait élevé neuf pour autant de batailles
gagnées par lui en commandant les armées
de la république. Comme on le croyait déjà privé
de sentiment, on ne pensait pas qu’il pût entendre
ces discours. Mais il n’en avait rien perdu, et faisant
un dernier effort, il trouva encore assez de
voix pour dire : Tout cela est peu de chose ; d’autres ont pu en faire autant ; mais vous oubliez que jamais je n’ai fait prendre le deuil à un citoyen.
En un mot, il fut homme de bien et admirable dans ses mœurs, non-seulement par la douceur et l’équité avec laquelle il usa de son pouvoir, mais par le noble sentiment qui lui fit préférer cette-modération à toute espèce de gloire, et se vanter qu’aucun n’eût pu ni redouter sa haine, ni désespérer de l’avoir pour ami. Et ce n’est guère que par là qu’on peut excuser ce puéril surnom d’Olympien, qui ne saurait convenir à l’homme qu’autant qu’il unit avec la puissance le calme
imperturbable de la Divinité. Car être bon même
aux méchants sans s’irriter de leurs offenses, ni
de leur ingratitude, c’est proprement ressembler
à Dieu suivant l’idée que nous en avons comme
auteur de tout bien. Du reste, les Athéniens ne
tardèrent pas à rendre justice aux rares qualités
de Périclès, dont le regret fut augmenté par les
événements qui suivirent sa mort ; car si quelques-uns le haïssaient vivant, il n’eut pas plutôt disparu que ceux mêmes auxquels son élévation avait fait le plus d’ombrage, lui comparant les
orateurs et les généraux qui le remplacèrent, ne
trouvaient en aucun d’eux une gravité si modeste
ni une douceur si imposante ; et ce pouvoir tant
calomnié sous les noms de royauté, de tyrannie
sans fin et sans bornes, parut enfin ce qu’il était,
une digue salutaire opposée par ce grand homme
au débordement de la licence et des désordres qui
depuis inondèrent la république.
- Paris, le 28 avril 1787.
Vivat ! mon cher papa, vivat ! Voilà des lettres comme je les demande ; voilà ce qui s’appelle écrire. En vérité, vous auriez eu une belle querelle si je n’eusse pas reçu de lettres de vous. Mais le succès a passé mes espérances, et je n’aurais jamais osé pousser mes vœux jusque-là. Une seule chose m’a mis en colère, c’est que vous ayez pu soupçonner que vos lettres m’ennuyassent, après tout ce que je vous ai dit après. J’allais m’échauffer, mais quatre pages de mon papa suffisent pour me calmer.
Je suis tout consolé de la perte de mon serin, parce que je l’ai retrouvé. A la vérité, je ne me
serais pas allé pendre, mais j’aurais volontiers
consenti à une plus grande perte pour recevoir
des consolations comme les vôtres. Je ressemble
aux amoureux pleins de chaleur qui ne peuvent
se consoler de leurs pertes que dans les bras de
leur maîtresse.
Nous n’avons pas plus eu de nouvelles de M. de la Frenaye que s’il n’eût jamais existé. M. Vetour a trouvé assez singulier qu’après l’avoir prié de lui garder une place, il n’ait pas reparu du tout. C’est une chose faite pour étonner, que ces gens qui vous paraissent occupés d’une affaire à n’en jamais sortir, et qui, l’instant d’après, ne s’en souviennent plus du tout.
J’ai fait mardi dernier le voyage de Sceaux, où j’ai vu de beaux jets d’eau, de belles statues et de beaux arbres bien taillés. Je crois que tout