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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/107

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LES MONNERON

la pendule. « J’y cours. Je n’ai que cinq minutes pour mettre mon chapeau… »

— « Julie,… » fit le jeune homme. Ses relations avec sa sœur, après avoir été très affectueuses pendant de longues années, étaient devenues peu à peu extrêmement froides et tendues. Il s’était permis de lui faire quelques observations sur ses lectures, à une époque, avec la maladroite sévérité des moralistes de vingt ans, et il s’était heurté à une bouderie qui n’avait jamais cessé tout à fait depuis lors. Ces derniers mois l’avaient encore augmentée. Il était visible que la jeune fille fuyait les occasions de se trouver en tête à tête avec lui. Cette fois encore, quand il l’eut interpellée ainsi, elle tourna vers lui des yeux si altiers tout ensemble et si impénétrables, qu’il n’acheva pas sa phrase :

— « Qu’y a-t-il ? » interrogea-t-elle.

— « Rien… » fit-il, et la regardant sortir de la chambre : « Elle ne répondrait pas non plus, » se dit-il, en se parlant tout bas à lui-même. « Je l’éloignerais de moi davantage encore. C’est mon père qu’il faut avertir… » Et, comme si le hasard se fût complu à multiplier autour de lui les petits incidents qui faisaient commentaire à son entretien avec M. Ferrand, il avisa sur un fauteuil du salon, près de la porte du cabinet de Joseph Monneron, un livre à couverture mauve, laissé là par ce drôle de Gaspard, que sa mère avait sans doute appelé quelques minutes plus tôt. C’était un roman à titre équivoque et qui obtenait en ce