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UN AMOUREUX

ment identique, aux plus radicales oppositions de sentiments et de pensées. L’un, Joseph Monneron, fils d’un cultivateur de Quintenas, en Ardèche, avait fait ses études, comme boursier, d’abord au lycée de Tournon, puis à celui de Lyon. De là, il s’était fait recevoir à la rue d’Ulm. Arrivé, grâce aux concours, à se déclasser par en haut, sa carrière offrait le type accompli du développement que préconisent les doctrinaires de notre démocratie. L’ancien boursier, devenu, à la force du poignet, un fonctionnaire important, ne devait rien qu’à lui-même et à l’État. Il avait d’ailleurs la fierté de son origine et une reconnaissance fanatique pour l’ordre de choses qui avait fait de lui un bourgeois, en quelques années d’obstiné labeur. C’était un exemplaire absolu du Jacobin, à la date de cette année 1900, — autant dire du Jacobin tout court. Pour quiconque, en effet, n’est pas la dupe de la différence des phraséologies, l’identité des formes d’esprit est surprenante entre les sophistes sanglants de 93 et leurs successeurs plus bénins, et plus dangereux peut-être, d’aujourd’hui. La suite de ce récit montrera plus en détail la nature des théories révolutionnaires de Monneron, leur rapport avec l’histoire de sa vie et leur retentissement dans sa famille. Notons seulement, pour l’intelligence immédiate de la crise traversée par son fils, que l’universitaire radical et libre-penseur avait élevé ses enfants hors de toute espèce de religion. « Je ne me