Aller au contenu

Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/228

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
216
L’ÉTAPE

comprimée. De là ces violences de déchaînement qui se manifestent chez les simples, à la moindre occasion, par des brutalités de grosses débauches, et, chez les quarts de bourgeois, comme était celui-ci, par l’intempérance déchaînée du désir. Ce ne sont pas des théories abstraites, du genre de celles où le professeur rationaliste faisait tenir la morale, qui refrènent un certain élan d’appétits. Antoine l’avait prouvé déjà en commettant, sitôt tenté, des fautes qui semblent, à première vue, comporter un long apprentissage du mal. Il allait le prouver davantage encore en osant, pour s’évader de son crime, une de ces scélératesses de la vie privée que les lois n’atteignent pas, pour lesquelles aucun gendarme ne vous met la main au collet, que le parquet ignore. Peut-être tachent-elles la conscience d’une souillure plus inexpiable… Il y avait une heure environ qu’il prenait et rejetait tour à tour des hypothèses de moins en moins raisonnables, lorsqu’un très petit hasard, la rencontre de ses yeux, qui erraient partout, comme affolés, et d’un portrait posé sur la cheminée, arrêta du coup sa marche fiévreuse. Un projet apparaissait dans sa pensée, encore tout vague, tout obscur, dans cette pénombre où s’estompent les actes qui, traduits d’abord en formules concrètes, nous paraîtraient monstrueux. Et puis la conscience s’habitue à les regarder de plus près. Elle s’y apprivoise avec une rapidité dont les utopistes à la Joseph Monneron devraient pourtant se rendre compte