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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/264

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L’ÉTAPE

le poète a si bien rendu dans la célèbre fable :

Il vous épargne la pudeur
De les lui découvrir vous-même…

— « Mon cher maître, » avait balbutié Jean, « pardonnez-moi… J’avais pris envers vous un engagement… »

— « Celui de ne pas reparaître ici avant de m’apporter une autre réponse, » dit Ferrand. « Si vous y manquez, c’est que vous avez une raison profonde, je le sais. Je sais aussi, je n’ai eu qu’à vous regarder pour cela, que vous souffrez. Vous venez à moi parce que vous avez une peine. Je n’ai pas à vous pardonner. J’ai à vous remercier… »

— « Ah ! monsieur Ferrand !… » fit le jeune homme, en joignant les mains. La tendre intelligence de cet accueil versait comme un baume sur son cœur malade. Il retrouvait cette impression de paternité spirituelle qu’il s’était tant reproché de chercher auprès de cet homme, l’adversaire de toutes les croyances de son père véritable. Qu’elle lui était douce à cette minute !

— « Appuyez-vous sur moi, je suis là, » reprit le maître. « Le malheur que vous prévoyiez et auquel vous faisiez allusion hier est donc arrivé ?… »

— « Pas celui-là, » dit le jeune homme, « un autre… monsieur Ferrand, » continua-t-il avec un effort qui lui faisait comme hacher ses mois, « je vous supplie de ne pas m’interroger. Je voudrais