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ET NE NOS INDUCAS

compte de ce silence. La précipitation avec laquelle Jean saisit la lettre et déchira l’enveloppe sans répondre provoqua un commentaire de Mme Monneron, qui interpella Antoine :

— « Il ne prend pas seulement le temps de te dire merci. Tu es bien bon garçon de te charger de sa correspondance… Mais voilà le père… Pauvre cher homme, tu auras le temps de lire ton journal avant de partir pour ton lycée, Antoine est allé te le chercher à la loge… »

— « Le voilà donc devenu notre Hermès, » dit le professeur, qui était de bonne humeur, ce matin-là. Sans doute il avait trouvé dans une copie d’élève quelque profession de foi suffisamment révolutionnaire et il se livra, tout en dépliant son journal, à sa manie des citations, qui trahissait toujours son contentement : « Qu’il y a une jolie épigramme dans l’Anthologie, sur ce dieu des messagers :

Φάρσος σοί γεραροῦ τὸδε βότρυος, εἰνόδι Ἑρμᾶ..
« À toi cette grappe d’un généreux raisin. Mercure des routes… »
L’Hermès officiel, le sieur Maradan, se repose pendant ce temps-là. Tu as raison, mon fils, de lui donner cette leçon, sans rien lui reprocher, en faisant la besogne qu’il devrait faire. C’est la manière vraiment démocratique de corriger les inférieurs… Vous n’accomplissez pas la tâche pour laquelle vous êtes payé ? À votre aise. Je l’accomplirai moi-même… S’ils ont quelque chose en eux, la honte les prend. Une autre fois, il ne