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L’ÉTAPE

— « En tout cas, que vous admettiez ou non le quatrième évangile comme authentique, » reprit l’abbé Chanut, qui avait regardé avec étonnement cet auxiliaire inattendu, et en s’adressant à Crémieu-Dax : « vous conviendrez que l’esprit de ce livre comme des trois autres aboutit aux trois superbes termes dont la République a fait sa devise : Liberté, Égalité, Fraternité. »

— « Ici, permettez-moi de me séparer de vous, monsieur l’abbé… » interrompit de nouveau Jean. Sa nervosité le retournait maintenant contre le démocratisme du prêtre : « Je ne suis pas un grand théologien, mais j’ai beaucoup lu les Évangiles, et, si j’en traduisais l’enseignement, je le résumerais dans trois autres mots qui sont précisément le contraire de cette devise que vous admirez, vous, monsieur l’abbé, et qui me paraît, à moi, parfaitement déraisonnable. Ces trois mots, les voici : Discipline, Hiérarchie, Charité. »

— « Il n’y a pas de contradiction entre les deux programmes, » fit le prêtre.

— « Pour vous, non, monsieur l’abbé, » répondit Jean, parce que vous admettez l’Église, et par conséquent l’ordre Romain qu’elle a transposé dans le domaine spirituel ; mais, pour ceux qui ne l’admettent pas, la première de ces deux devises, c’est l’anarchie, avec toutes ses abominables conséquences. Nous les voyons de reste aujourd’hui. »

— « Ne prenez pas garde à ce que vous dit