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LA CATASTROPHE

plus de l’Union ! Il n’a pas le droit d’être ici ! À la porte !…  » quand il se sentit touché au bras et tiré par la manche avec une insistance qui lui fit craindre une invasion de l’estrade. Il se retourna et reconnut le vieux concierge de Rumesnil :

— « J’ai une lettre pour vous, monsieur Monneron, » lui dit cet homme à voix basse, « venez. Il y a une voiture en bas. C’est très grave. « 

La physionomie du domestique faisait à ces paroles un commentaire si éloquent que le jeune homme en oublia du coup la mêlée des fanatiques hurlant autour de lui, et, debout auprès du prêtre, ses deux amis qu’il semblait abandonner dans le danger. Il sauta de la petite estrade plutôt qu’il n’en descendit, sans que sa disparition fût même remarquée dans l’universelle bagarre. Lorsqu’il fut dans la chambre du Comité, vide maintenant, il prit la lettre et en déchira l’enveloppe d’une main qui tremblait. Elle ne contenait que quelques lignes, tracées de l’écriture de Rumesnil, mais tout altérée : « Julie est blessée. Il faut venir la prendre tout de suite, pour la transporter rue Claude-Bernard. Je ne puis la ramener moi-même, étant blessé aussi. Le médecin donnera les détails. Mais il faut venir vite. R… »