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LE PÊRE ET LE FILS

veillance quasi quotidienne. Il se rencontre encore à Paris, à côté des professeurs justement illustres auxquels le temps manque, et des charlatans sans conscience que l’on doit supplier pour en obtenir des consultations de cent francs, de modestes docteurs qui tiennent le rôle, autrefois si fréquent, aujourd’hui si rare, du médecin de famille, toujours à portée et cependant discret, et qui, connaissant ses clients depuis des années, devenait naturellement leur ami et leur conseiller. « Graux de Lourdes, » comme Rumesnil appelait cet excellent homme à cause de sa dévotion, faisait l’objet habituel des moqueries du jeune noble, qui avait dit à Jean, — combien de fois ! — « Il n’y avait dans tout Paris qu’un médecin qui fût un catholique pratiquant, ma mère a mis la main dessus… » Cette plaisanterie de libre penseur (Adhémar ne se fût pas estimé de ne pas se distinguer des siens par ce trait d’intellectualité) n’empêchait pas qu’ayant eu besoin, dans une crise, d’un homme sur qui compter absolument, il avait choisi ce bon chrétien, de préférence aux camarades complaisants qu’il connaissait parmi les internes d’hôpitaux, voire dans les groupes socialistes, ainsi Bobetière. Par un hasard auquel il n’avait certes pas songé, ce choix se trouvait être dans la circonstance une charité pour Monneron. Préoccupé comme il l’était de questions religieuses, Jean avait eu, l’hiver précédent, avec M. Graux, et précisément chez Rumesnil, une de ces conversations d’idées qui créent entre deux