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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/436

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L’ÉTAPE

senti la balle dans la région de l’omoplate, où elle s’est logée. Le projectile a dû frapper obliquement, sur la cinquième ou la sixième côte, et glisser le long de la paroi thoracique. Il n’y a eu jusqu’ici qu’une abondante hémorragie, sans crachements ni vomissements de sang. Il s’agit donc, selon toute vraisemblance, d’une plaie non pénétrante… Du moins, c’est ma conviction, je vous le répète… La blessée a eu une violente crise nerveuse quand elle a repris connaissance, et elle est très affaiblie. Je suis presque plus inquiet d’Adhémar, qui s’est refusé à tous les soins, sauf à un léger pansement, et même à rentrer chez lui avant que l’on ne vous eût trouvé et amené… Il vaut mieux que sa vie, monsieur Monneron, je vous l’affirme… »

Jean ne répondit pas. À travers tant d’émotions et de si poignantes, cette défense discrète de l’infâme ami, auteur de la perte de sa sœur, l’indignait, sans qu’il pût protester, dans cette voiture et devant le médecin que l’autre lui avait envoyés ! Il n’osait pas non plus demander un renseignement sur un point, énigmatique à la fois et trop clair. Le drame n’avait pas eu lieu à l’hôtel de la rue de Varenne. Où donc s’était-il passé ? Où allait ce fiacre lancé à toute vitesse, qui suivait maintenant un large boulevard ? Lequel ?… Jean avait trop erré, depuis des années, dans le quartier qui s’étend des Invalides au Pays-Latin, pour ne pas reconnaître au passage l’angle de la rue Campagne-Première à gauche, à droite celui de la rue Vavin, la gare ensuite et la rue de Rennes. Le