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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/444

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L’ÉTAPE

rosité dont le misérable avait fait preuve en taisant la vérité du drame, même à son médecin. Cette générosité se doublait-elle d’une autre ? Leur indigne frère avait-il eu de nouveau recours à la bourse de l’amant de sa sœur ? Avait-il essayé d’un chantage ? Jean n’eut pas longtemps à se poser ces questions, car ayant ajouté : « Tu dis qu’il y a une seconde lettre d’Antoine ?… » la jeune fille eut la force de se retourner un peu, et elle lui fit signe de chercher où elle avait dit. Il prit la lettre qu’elle avait froissée, évidemment dans la violence de la scène d’explication. Ce billet allait lui rappeler d’une dure manière ce qu’il oubliait depuis le moment où, sur l’estrade de l’Union Tolstoï, le messager de Rumesnil était venu l’avertir, qu’il avait un père, — ce père au repos duquel il avait tout sacrifié si longtemps, — et que la période des mensonges de pitié était vraiment, irrévocablement close. Le heurt du chef de famille optimiste et illusionné contre les réalités cruelles de son milieu était définitif, maintenant, et le billet d’Antoine à Rumesnil disait que, sur un point, ce heurt avait déjà produit son terrible effet. Il était ainsi conçu : « Mon cher ami, je me vois obligé d’avoir recours une seconde fois à ton obligeance. Je t’avais parlé d’une petite irrégularité dans les comptes de mon bureau. Mon chef, qui avait paru comprendre que cette misère ne valait pas la peine d’être même mentionnée, du moment que tout était de nouveau en ordre, est revenu, je ne sais pourquoi, sur cette décision. Il a cru devoir parler à mon