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L’ÉTAPE

j’ai évité avec vous, ces dernières années, les divers points où mes convictions auraient pu paraître violenter les vôtres. Cette amitié me permet aujourd’hui de vous dire : Vous faites, de votre refus à l’unique condition que j’aie posée à votre mariage, une question de conscience. Mais une question de conscience comporte un pour et un contre. Elle se discute. Vous l’avez discutée avec vous-même. Vous pouvez vous tromper, vous être créé des scrupules imaginaires, n’y avoir pas vu clair dans votre pensée. Supposez que je ne sois pas le père de Brigitte, que je sois votre vieux professeur de philosophie simplement ; que vous vous trouviez, vis-à-vis d’une famille de moi inconnue, précisément dans la situation où vous êtes vis-à-vis de la mienne, et que vous veniez me consulter. Voulez-vous me laisser vous parler comme je vous parlerais ?… Oui ?… Hé bien ! Pouvez-vous me définir, me marquer le point exact de votre scrupule ?… »

— « Le point exact ? » répondit le jeune homme. « C’est que je ne crois pas, tout simplement, et qu’accepter, que demander le baptême dans ces conditions-là, ce serait mentir, et non pas mentir par silence, comme font tant de gens, catholiques de naissance, qui, ayant perdu la foi, se marient à l’église. Ils n’ont qu’à se taire de leurs doutes, comme je comptais me taire des miens, quand je m’imaginais que la cérémonie religieuse serait pour moi ce qu’elle est pour un protestant ou pour un juif qui épouse une catho-