à l’hôpital. Nous avons trouvé cela juste alors, parce qu’elle recevait son amant chez nous, à notre insu… Et c’était une malheureuse orpheline, qui n’avait rien dans la vie, à qui cet amant avait peut-être dit les seules paroles d’affection qu’elle eût entendues. Au lieu que Julie, de quelle tendresse n’a-t-elle pas été entourée ! De quelle sollicitude ! De quelle protection !… »
— « En es-tu bien sûr ? » interrompit Jean, et comme son père, stupéfié par cette interruption, même dans sa colère, lui demandait : « Que veux-tu dire ? »
— « Je veux dire, » continua le jeune homme, « que tu as cru la protéger, comme tu as cru protéger Antoine… Ce n’est pas ta faute, mon père, mais tu reconnais bien maintenant que tu n’avais pas vu clair dans leurs caractères, puisque tu ne les croyais, ni l’un ni l’autre, capables de ce qu’ils ont fait ?… C’est là leur seule excuse, mais c’en est une, qu’ils ont été exposés à des dangers contre lesquels personne ne les a garantis, pas même toi, parce que tu ne les voyais pas, parce que tu ne pouvais pas les voir… C’est notre famille qui l’a voulu… Nous sommes tous, toi le premier, des déplantés, des déracinés, nous n’avons pas de milieu… Tu ne peux pas empêcher cela. Antoine a été élevé au lycée, lui, pauvre, avec des garçons riches. Il a frôlé le luxe, tout jeune, et les plaisirs. Ils ont d’autant plus agi sur lui qu’ils contrastaient davantage avec notre intérieur, avec la médiocrité de notre existence. Il a pris la débauche pour de la haute vie et le luxe ignoble d’une fille pour