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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/515

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BRIGITTE FERRAND

les raisons que fait valoir votre Lettre. J’ai commencé des démarches dont vous pouvez considérer, dès aujourd’hui, l’heureux aboutissement comme certain. Le mariage devra être fait à la sacristie et sans solennité, avec promesse, bien entendu, que la partie chrétienne exercera librement son culte et que les enfants seront baptisés… » Et des détails suivaient, que Joseph Monneron parcourut seulement du regard. Il en avait assez lu pour comprendre à quel degré il venait d’être injuste. Cette générosité d’un homme dont il détestait l’intelligence au point d’avoir toujours suspecté son caractère, le confondait. La nouvelle preuve qu’il découvrait à la fois du dévouement filial de Jean, et, en même temps, du travail religieux accompli en lui, l’attendrissait à la fois et le désespérait. Et par-dessus tout, il apercevait distinctement cette affreuse évidence : ce fils si bon, si intelligent, dont il n’avait jamais reçu que des joies, aimait. Il était aimé. Le père de la jeune fille consentait à ce mariage, il le désirait, il l’offrait, et ce mariage allait être rendu impossible !… Il fallait que lui, Joseph Monneron, répondît à ce que venait de lui dire Ferrand et qui signifiait nettement : « Nos enfants seront heureux l’un par l’autre, unissons-les, et tout de suite… » L’honneur voulait que cette réponse fût donnée en toute vérité. Ferrand avait décidé d’accorder sa fille à Jean, mais quand il ignorait le double drame qui venait d’atteindre les Monneron dans Antoine et dans Julie. Au moment de lier pour toujours leurs deux familles,