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L’OBSTACLE

définitive ? C’est moi qui veux que vous le preniez, ce nouveau délai que vous m’avez refusé. Je sais. Ce n’est pas le rôle d’un père à qui l’on vient demander sa fille, de parler ainsi. Mais nous ne sommes pas dans la convention, vous et moi. Nous sommes dans la vérité profonde. Nous avons à prendre une décision qui pèsera, vous, sur toute votre vie, moi, sur toute la vie de ma fille. Pour que cette décision soit ce qu’elle doit être, il est nécessaire que nous ne laissions rien dans l’équivoque et que la plus absolue franchise ait présidé à cet entretien… » Il s’interrompit une minute, comme s’il hésitait devant une parole bien grave. Puis, fermement : « Il faut que vous sachiez ce que vous avez pu deviner à mon attitude, à d’autres indices peut-être, oui, que vous le sachiez d’une façon positive, qui ne vous permette pas le doute : Brigitte vous aime, mon enfant. C’est au nom de ce sentiment que je vous demande de réfléchir encore avant de vous sacrifier tous deux, elle et vous, à une illusion sur vous-même dont vous resterez étonné plus tard, quand le jour se sera fait en vous complètement. Je connais ma fille et je vous connais. Elle ne changera pas plus vis-à-vis de vous que vous ne changerez vis-à-vis d’elle. Mettons donc que nous ne nous sommes rien dit aujourd’hui et que j’attends votre réponse relativement à la condition que je vous ai imposée. Vous me la donnerez, cette réponse, dans deux mois, dans trois mois, dans un an. C’est moi qui ai eu tort de fixer avec