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UN DIVORCE

quée qu’elle était plus naturelle. Toujours mû par le désir de ne pas la quitter si vite, et aussi d’en savoir un peu plus sur elle, il lui avait dit :

— « Puisque vous vous occupez de médecine, mademoiselle, peut-être me rendrez-vous le service de me renseigner… Je travaille à des recherches sur le droit de punir et la responsabilité, qui m’ont conduit à étudier le problème du crime chez les aliénés. Le cabinet de lecture est fermé. Où croyez-vous que je pourrais consulter des livres de cet ordre, Legrand du Saulle, par exemple, que j’étais en train de dépouiller ici ?… »

— « À la bibliothèque de l’École, » répondit-elle ; « j’y vais justement de ce pas. C’est un endroit que je n’aime guère, il est fréquenté par trop de gens. Mais, on y est très complaisant et le catalogue est très riche. »

— « C’est que je suis étudiant en droit… » fit-il, et il avait tiré de sa poche le carnet qui contenait ses cartes de visite. Il en tendit une à la jeune fille, comme s’il tenait à ne pas rester, pour elle, un inconnu. Elle la prit, et, la regardant, elle dit simplement : — « Je crois que ceci suffirait. Mais si vous voulez venir avec moi, je vous introduirai sans difficulté… »

Il l’avait suivie, le cœur battant, en proie à une émotion paralysante à force d’être douce. Ils avaient traversé ensemble cette petite rue de l’École-de-Médecine, si sévère d’aspect avec ses rez-de-chaussée où des boutiques de libraires spéciaux confinent à des magasins d’instruments de chirurgie. Lucien n’y avait vu que sa compagne et la grâce d’une démarche qui révélait de séduisants détails : une taille ronde et longue, des jambes