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BERTHE PLANAT

à se demander si elle lui pardonnerait jamais d’avoir osé l’interroger ! Quand il l’avait revue, toujours dans le même studieux asile, quelle joie à constater qu’elle ne lui semblait pas hostile !… Puis, ils avaient eu leur troisième entretien, leur quatrième, leur cinquième. Ces causeries et les innombrables qui avaient suivi reparaissaient dans la mémoire du jeune homme, à mesure que sa course à travers la moitié de Paris le rapprochait de la Montagne Sainte-Geneviève. Et, dans toutes, dans les plus anciennes et les plus intimidées, comme dans les plus récentes et les plus familières, il était demeuré fidèle au programme d’absolue réserve sentimentale imposé par Mlle Planat. Il l’avait traitée comme si elle eût été en effet un camarade de l’École de médecine, avec qui un élève en droit échange un commerce de pensées et non pas la troublante, l’adorable fille dont la grâce simple, le joli sourire, allumaient en lui la fièvre passionnée du désir, dont la courageuse existence l’exaltait d’une admiration si émue. Pas une des pierres des pavés, depuis que la voiture avait quitté le Pont-Neuf, qui ne lui représentât un mot que Berthe avait dit, un geste qu’elle avait fait, un regard qu’elle avait eu… Ici, au coin de la place Saint-Michel, il l’avait rencontrée un matin qui allait à l’Hôtel-Dieu, six semaines peut-être après le commencement de leurs relations. Elle l’avait laissé l’accompagner jusqu’à l’hôpital et y entrer avec elle. C’était la première fois qu’il la voyait dans l’exercice de son métier. Ils avaient suivi la visite et ils étaient revenus déjeuner ensemble rue Racine… Ici, sous les arbres du boulevard Saint-Germain, par les tièdes soirs d’été, alors que leur amitié était plus